Le groupe RATP à l’épreuve
Lorsque les consignes de confinement tombent mi-mars, la RATP sort à peine d’une crise sociale d’une durée exceptionnelle. Le groupe se trouve également dans un contexte de fortes transformations liées à la préparation de l’ouverture à la compétition de son réseau historique francilien, qui connaîtra, dès 2024, la mise en concurrence de l’ensemble du réseau de bus.
Une crise peut en cacher une autre
Déjà confrontés à de fortes remises en question du modèle social, culturel et économique de leur entreprise historiquement en monopole, les 45 000 salariés qui assurent la bonne marche du réseau de transport en Île-de-France vont vivre une période inédite de leur vie professionnelle. Pour les acteurs de la gestion de crise, dont font partie les communicants, les mécanismes sont déjà bien éprouvés.
La communication de crise se gère aussi à distance. La cellule de veille pré- pandémie a été mise en place dès fin janvier : elle bascule mi-mars, comme dans beaucoup d’autres organisations, en cellule de crise gérée désormais à distance… Pour la cellule de communication de crise, à peine désactivée depuis début février, l’enjeu est à nouveau de dépasser les habituels périmètres des parties prenantes externes : la communication interne, fortement sollicitée dans la séquence précédente, prend toute sa place dans le dispositif global de gestion de crise nécessaire au plan de continuité d’activités immédiatement mis en place. Les équipes en contact avec les clients sont déjà en charge, depuis quelques jours, de relayer la diffusion des messages de sécurité sanitaire officiels dans les espaces. La communication interne doit donc être claire, réactive et opérationnelle, pour permettre aux agents des stations et des gares ainsi qu’aux conducteurs d’être informés très précisément. Suivront ensuite tous les nouveaux dispositifs d’organisation, en constant réajustement…
Comme le rappelle Thierry Libaert, la gestion de crise appelle la plus grande humilité : le caractère inédit de celle-ci nous a amenés à faire preuve de pragmatisme et à nous appuyer sur nos fondamentaux. La RATP est une entreprise rompue aux cellules de crise, et les équipes font toujours preuve d’une extraordinaire capacité de mobilisation, tant la sécurité ferroviaire et la gestion quotidienne du risque fondent notre culture interne. Les dispositifs habituels se sont installés en distanciel avec une facilité assez surprenante, y compris pour la partie médias et communication sensible, tellement habituée à travailler dans une même salle où les équipes se succèdent pour assurer la continuité calée
sur les horaires d’ouverture du réseau, de 5 h à 1 h. Côté communication interne, une coordination très serrée de l’ensemble du réseau des communicants de l’entreprise et la préemption quasi exclusive de l’écosystème de nos médias internes aux sujets de crise, se sont imposées. La communication a été principalement relayée sur notre intranet : sa consultation a été multipliée par trois pendant le premier mois de confinement. Nous avons tenté de conjuguer, pendant toute cette période, information, sincérité et mobilisation via des contenus profilés, hiérarchisés et rationalisés..
Etre bien informé pour travailler sereinement
L’une des particularités de notre situation, c’est d’avoir un ministère de tutelle et une autorité organisatrice avec qui nous avons dû interagir pendant toute la période pour définir les règles sanitaires applicables à nos voyageurs et à nos salariés, tout comme le niveau de l’offre de transport. En tant que service public de transport, la RATP se devait de maintenir le fonctionnement du réseau pour assurer la poursuite de l’activité de ceux qui ont continué à travailler, et notamment l’ensemble du personnel hospitalier. Un service de navettes dédiées a même été mis en place en un temps record pour améliorer la desserte des principaux sites de l’AP-HP. Cette situation particulière a exigé des communicants internes d’assurer une information continue auprès de l’ensemble des salariés mobilisés dans un contexte sanitaire en évolution constante, et en étroite collaboration avec la direction des RH et la cellule de prévention, qui menait elle-même un dialogue quasi quotidien avec les organisations syndicales. La présence de la communication au sein de la coordination des acteurs de la gestion de crise a été certainement une des clés de réussite, tout du moins la garantie d’une cohérence presque constante de nos messages.
Une direction générale et un top management en soutien de la communication managériale
Les managers ont exigé une sincérité dans les informations partagées par la D.G. et le top management. La P.D.G., ainsi que les membres du comex ont assuré des prises de parole via la mise en ligne de vidéos très régulières et la tenue de webconférences pour faire des points d’actualité tous les quinze jours et répondre aux questions du top management en live. Les frontières entre la communication interne et la communication externe ayant bien sûr complètement disparu, nous avons mutualisé énormément de contenus pour les deux cibles, mais avons tout de même consacré une attention toute particulière aux salariés, que nous avons toujours considérés comme une partie prenante à part entière. Le caractère très anxiogène et extrêmement mouvant de cette crise a définitivement convaincu les quelques derniers réticents de la nécessité de déployer une véritable symétrie des attentions entre nos voyageurs et nos salariés, en faisant notamment de la sécurité sanitaire de nos salariés, et de sa nécessaire communication, une priorité.
Une communication valorisante et dédiée
La mobilisation des équipes de terrain méritait une forte valorisation, que nous avons concrétisée par une campagne interne mettant en avant un portrait quotidien d’agent mobilisé. En installant le hashtag « #hérosduquotidien » accompagné de celui du département d’attachement du salarié mis à l’honneur, nous avons publié une cinquantaine de portraits sur notre intranet. Cette campagne a remporté le plus grand nombre de likes depuis la création de l’intranet unifié ces dix dernières années. Pour assurer le soutien des managers et des équipes mobilisés, un espace dédié a été créé afin de réunir l’ensemble des dispositifs mis en place sur l’intranet : cellules d’écoute, ateliers de soutien managérial en ligne, aides et tutoriels pour la prise en main des outils collaboratifs, capsules de formation en ligne, témoignages et conférences… Pour nourrir cette rubrique, nous nous sommes appuyés sur la cellule conduite du changement préexistante, réunissant RH, stratégie et communication interne, pour coordonner l’ensemble de cette offre dédiée et proposer un point d’entrée unique pour les salariés.
Et après ?
Le transport public est particulièrement impacté par cette crise et, après le déconfinement, l’enjeu de la reconquête de nos voyageurs et de la sécurisation de notre financement émerge comme une nouvelle donnée. La sincérité de la communication interne et la forte réactivité acquise pendant la crise semblent installées. Les salariés, et notamment les managers, très fortement sollicités, méritent d’avoir à leur disposition les éléments et les outils les plus fiables pour aider leurs équipes à reprendre un rythme normal. Cette période nous a aussi tous amenés à une plus grande agilité en favorisant la transversalité et le partage d’expérience. Nous sommes tous convaincus de la nécessité de capitaliser sur ces acquis, d’autant plus que le calendrier de l’ouverture à la concurrence n’a pas été reporté et que les grands défis de transformation que nous devons relever sont toujours aussi exigeants. Le rôle de la communication sort renforcé de cette période éprouvante. L’un des dossiers qui n’ont pas été retardés pendant ces presque six mois de crise : la démarche de révélation de notre raison d’être, à laquelle la communication est pleinement associée
dès le comité de pilotage stratégique. Cette période aura cristallisé et révélé l’utilité et l’impact du transport public auprès de la société. Les salariés du groupe RATP ont l’occasion de construire ensemble un futur service public performant, innovant et écologique, pour améliorer la qualité de vie en ville. La communication interne, comme le rappelle Thierry Libaert, se doit d’être au rendez-vous pour tenter « de créer du lien, de décloisonner », afin de mener à bien cette quête de sens d’autant plus nécessaire après cet épisode de crise très déstabilisant.
Article issu du n° 46 des Cahiers de la communication interne.